La communication est souvent une question de chance
Dans cette série de blogs, nous publions les discours des intervenants de la manifestation sur la Place fédérale avant le dépôt de l'initiative pour l'inclusion.
Le 5 septembre, jour du dépôt de l'initiative pour l'inclusion, Fernanda Hintz a parlé de son quotidien et de ses difficultés en tant que personne sourde. Comme beaucoup, elle a grand espoir que l'initiative pour l'inclusion permette de faire un grand pas en avant pour réduire le stress et les barrières.
Discours de Fernanda Hintz
Je m'appelle Fernanda Hintz, et je suis très heureuse de pouvoir vous parler aujourd'hui de mon quotidien et des défis auxquels je fais face. J'ai un immense espoir que l'initiative pour l'inclusion rendra ma vie, et celle d'un million et demi de personnes en situation de handicap, un peu plus facile ici en Suisse.
Je suis née sourde et ai appris la langue des signes grâce à mes parents, qui sont également sourds. En comparaison, les enfants sourds de parents entendants n’ont pas cette chance. Souvent, les parents se sentent dépassés et ne savent pas comment assurer la communication et préparer l'avenir de leurs enfants. Ce manque de soutien précoce pour les enfants sourds en Suisse mène fréquemment à une éducation insuffisante, car l’aide adaptée n'est pas systématiquement organisée, et chaque canton gère cela différemment.
Mais ce n’est qu’une partie du problème : toutes les personnes avec un handicap auditif, dont moi-même, sont confrontées à un stress constant.
Au travail, je dispose d'un budget limité de l'AI pour les interprètes en langue des signes, et rien ne garantit que je puisse conserver mon emploi. De plus, suivre des formations continues est compliqué, car je ne sais jamais si l'AI acceptera de couvrir les frais d'interprétation. Comment puis-je alors espérer vivre une vie stable et sans stress ? Je crois que c’est une situation que partagent de nombreuses personnes handicapées.
La nuit, je dors mal. Mon mari et moi sommes sourds, et je redoute parfois de ne pas nous réveiller si un incendie se déclarait, si quelqu’un sonnait à la porte ou même si quelqu’un tentait d’entrer par effraction ou de s’en prendre à notre fille. Il existe des dispositifs, comme les détecteurs de fumée adaptés, mais il n’y a aucun soutien financier pour couvrir ces besoins.
Dans les transports publics, je dois rester constamment vigilante, car je ne peux pas entendre les annonces, et elles sont rarement écrites. Je dois vérifier régulièrement l'application CFF pour voir s'il y a des retards ou des changements de voie, et je dois m'assurer que la batterie de mon téléphone est bien chargée. Mais l’application CFF n’est pas toujours fiable, et les transports publics sont encore loin d’être accessibles.
Je crains également les situations d’urgence, comme un accident de voiture. Sans interprète, la communication avec les autres personnes impliquées ou avec la police pourrait devenir problématique. Dans d'autres cas d’urgence, comme des hospitalisations, il n’y a souvent pas d’interprète disponible non plus, ce qui peut entraîner des erreurs de diagnostic ou de traitement, ou des difficultés à comprendre comment prendre correctement un médicament. En Suisse, il n’existe toujours pas de loi garantissant la prise en charge des frais d'interprétation dans le domaine de la santé.
Je suis également souvent exclue des événements culturels, faute de traduction en langue des signes. Quant aux sous-titres, c'est souvent un véritable parcours du combattant pour obtenir qu’ils soient pris en charge. Parfois, même lorsque l’interprétation est enfin organisée, elle l’est à la dernière minute, et il n'y a alors plus d’interprètes disponibles. Résultat : l'accès à la culture reste limité pour moi.
C'est pour cela que l'initiative pour l'inclusion est un grand pas en avant. Nous espérons qu'elle apportera enfin l'égalité, réduira notre stress et fera tomber les barrières.
C'est pourquoi nous demandons : INCLUSION – IMMÉDIATE – MAINTENANT !